Travailler avec ses proches ou en famille donne souvent de belles success stories. On en connaît tous. Les Jackson dans la musique, l’entreprise familiale Peugeot France, ou encore les Diagou (NSIA, Côte d’Ivoire). L’image de la bande d’amis ou de l’entreprise familiale qui réussit et croule sous les bénéfices donne envie mais est ce si facile de travailler avec ses proches ?
Pourquoi veut t-on travailler avec ses proches ?
Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours souhaité créer une entreprise dans laquelle je travaillerai avec mes proches. Nos parcours de formation et nos choix professionnels étant diversifiés mais complémentaires, pour moi c’était le meilleur moyen de gagner des sous, d’être de bonne humeur au travail, et d’affronter la concurrence et le reste du monde en m’entourant de ceux en qui j’ai le plus confiance.
Autour de moi, les raisons évoquées sont d’ordre pratique : Rendre service à la famille ; essayer de faire des économies (les parents/cousins/enfants coûteront moins chers). La confiance, l’assurance, le sentiment d’être plus fort avec les siens, autant de raisons de travailler avec des proches. L’intérêt pour le projet/ le secteur d’activité et les compétences sont secondaires.
En famille…
En couple, les rôles sont en général bien définis dès le départ. La confiance réciproque doit aider à surmonter les obstacles. Compte aussi, le temps passé ensemble. Les salariés et fournisseurs se positionnent toujours face à un duo. Certains témoignages évoquent tout de même l’importance de ne pas faire interférer les éventuels désaccords professionnels dans la sphère privée.
Avec ses parents ou ses enfants, la tendance est de garder le même comportement que dans la sphère personnelle et bien souvent à être plus strict avec les siens. Les attentes sont plus importantes lorsqu’il s’agit de proches, on attend d’eux un investissement au moins égal au nôtre. Ceci implique de s’exposer à des biais affectifs/psychologiques parfois difficiles de gérer.
La grosse dispute au repas dominical, se fera ressentir au travail et au risque de l’amplifier certains peuvent se montrer tatillons ou agressifs lors de la réunion d’équipe du lundi matin, d’autres éviteront de se croiser de la journée voire de la semaine. La sensibilité de chacun s’exprimant à sa manière, la situation sera difficilement digeste. La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle est assez mince, jongler entre les deux n’est pas aisé mais de nombreuses familles excellent dans cet exercice.
Avec ses amis…
Dans la vie privée, Marie, Sophie et vous êtes inséparables. Après une série de déboires professionnels vous décidez de mettre vos compétences respectives au service d’une boîte commune. Mais passé 6 mois, des ajustements sont à prévoir : Ci-après des situations témoins du travail entre amis
- Marie est quasiment toujours en retard
L’un des points à améliorer chez Marie c’est son aptitude à être à l’heure. Vous le savez depuis des années, et ça ne vous dérangerait pas, même ça amusait votre bande d’amis. Mais ça c’était avant de monter une boite avec elle. Au début, vous “compreniez”, au bout de 6 mois à être en retard tous les jours et donc en décalage dans le travail (vous travaillez tous plus tard que convenu), ça fait râler.
Suggestion : Si elle rattrape son retard et est malgré tout efficace dans son travail, ce n’est pas réellement un problème. Dans le cas contraire, il faut en discuter avec elle de manière objective. En insistant sur l’impact de son retard sur le travail de tous. Surtout, restez factuel.
- Sophie s’investit moins que le reste du groupe
Même si la répartition des tâches s’est faite d’un commun accord, certains en font beaucoup moins que d’autres dans votre nouvelle boite. Le groupe doit toujours pallier à leurs manquements, très souvent la veille pour le lendemain. En revanche pour les bénéfices sont toujours répartis à parts égales. Ce qui peut fâcher à la longue.
Suggestion : L’impression de l’investissement des collaborateurs peut s’avérer subjectif. Il est important de d’abord se demander si ce n’est pas nous qui en faisons trop. Si ce n’est pas le cas et que les résultats démontrent un problème, la meilleure option est encore d’en discuter : y a t-il encore un intérêt à travailler ensemble ? si oui comment y arriver ? Les liens privilégiés qui vous unissent vous autorisent à être sincères les uns envers les autres tout en restant factuels, c’est ensemble que vous trouverez la solution.
- Vous voir tout le temps devient pesant
Votre lien est solide, Marie vous connaît sur le bout des doigts et elle est familière de vos instants de solitude (Il y’ en a qui font du yoga pour favoriser leur introspection, vous c’est le fait d’être toute seule). Mais côtoyer Marie quasiment 8h par jour, toute la semaine, à l’apéro copine du samedi et au brunch dominical met votre ouverture à l’autre à rude épreuve.
Suggestion : Par amitié pour Marie et pour rester productifs dans votre travail commun, espacez les retrouvailles du week-end, évitez les longues conversations téléphoniques après le travail. Si vous avez moins la main sur la gestion de votre sphère professionnelle, vous pouvez équilibrer les choses dans la sphère privée.
- Du mal à exprimer le fond de sa pensée ?
Sophie a tendance à s’avancer avec les clients, à s’engager sur des prestations demandées sans vous consulter au préalable. En effet, elle vous connait bien et est persuadée que vous serez d’accord avec elle. Petit bémol, le planning est serré et à une semaine de la prestation, il est difficile de faire demi-tour. Ce n’est pas la première fois mais pour ne pas ternir son enthousiasme et ne pas la vexer, vous ne dites rien ou à peine un léger “ tu aurais pu m’en parler avant”.
Suggestion : Ici, il est nécessaire de mettre l’amitié avec Sophie en sourdine. Si vous appréhendez de critiquer le travail de votre collaborateur de peur qu’il le prenne pour lui et de perdre son amitié, vous générez des rancœurs et de la contre-productivité. Il est nécessaire dès le départ d’être au clair avec la répartition des activités et le fonctionnement des tâches à réaliser ensemble dans le cadre professionnel. En restant factuel, on dissocie ainsi quelque peu la vie amicale et la professionnelle.
Quelques pistes de réflexion avant de travailler avec ses proches
- Combien êtes-vous prêts à miser dans cette aventure ? Il n’est pas inutile d’évaluer sa perte acceptable. Surtout quand on y investit avec des proches/amis.
- Bien répartir les rôles: Déterminez la place de chacun et son évolution possible dans l’entreprise toujours en fonction des compétences réelles.
- Quel type d’entreprise souhaitez-vous ? S’accorder sur une vision commune et prévoir des scénarios de croissance et d’échec sera une base essentielle de développement
- Quelles règles de conduite adopter ? C’est important de tout écrire noir sur blanc sur le fonctionnement de la future entreprise (Qui recrute ? Qui tranche en cas de désaccord ? Qui a la décision finale ? Comment est-ce qu’on fonctionne quand le chef est absent ?)
- Qui peut nous conseiller ? Il est utile de se faire accompagner par des experts extérieurs à la famille pour monter une structure avec ses proches. Ils aideront à démarrer sereinement.(Experts-comptables, notaires, avocats, structures d’accompagnement à la création d’entreprise…)
En conclusion…
De mon coté, l’un des avantages à travailler avec mes proches a été de partager les risques, les échecs et les succès avec le même degré d’implication que tous les protagonistes. J’ai indéniablement gagné en maturité professionnelle, appris à déléguer et à faire confiance aux autres.
Plusieurs témoins évoquent la une communication simplifiée comme avantage. On se connait, on sait appréhender et ménager au mieux les susceptibilités des uns et des autres. Exprimer son avis et sa vision auprès de personnes qui nous sont proches est toujours plus aisé.
L’inconvénient majeur pour moi a été d’être tout le temps en mode « travail ». Il m’est arrivée de (re) parler du travail en buvant un verre, ou encore au repas du dimanche, mes sphères de vie étaient totalement imbriquées l’une dans l’autre.
Les personnes interrogées évoquent presque toutes comme inconvénient, le fait que les sentiments et ressentis personnels, peuvent influer sur les prises de décision professionnelles (bien souvent à tort)
En définitive, travailler avec ses proches présente quasi autant d’avantages que d’inconvénients. Quand les choses sont compliquées à gérer, pour préserver les liens, il est parfois nécessaire d’arrêter la collaboration. La famille restera la base et les amitiés sincères (même quelque peu bousculées) sauront retrouver leur équilibre. Profitez des retrouvailles pour jouer les consultants bénévoles sur les projets des uns et des autres, en toute bienveillance et avec le sourire. Vous serez probablement plus productifs.
Ceci étant dit, êtes-vous toujours prêts à travailler avec vos proches ?
Vous travaillez déjà avec vos proches, racontez-nous votre expérience !